בס״ד

 

Avec l'aimable autorisation de Rav David SETTBON, extrait de son ouvrage 'Alé Hadas.

 

Yitro

 

 2.   Le repas de Yitro (Sé’houdat Yitro) est l’une des caractéristiques célèbres du judaïsme  tunisois. Pas exclusivement tunisois d’ailleurs, car cette fête est aussi célébrée dans le sud de la Tunisie, ainsi que par certaines communautés algériennes.

           La Sé’houdat Yitro se prend le jeudi soir de la semaine où l’on lit à la synagogue la paracha de Yitro. Ce jeudi est un jour de joie où l’on ne lit pas les ta’hanounim (supplications) à l’office de cha’harit et de min’ha1. Les jeunes garçons sont particulièrement à l’honneur, et c’est pourquoi la table est dressée à leur échelle avec des couverts miniatures. L’usage veut également que l’on serve un pigeon par enfant. Nous voulons cependant  rappeler que les rabbins tunisois ont souvent tenté de mettre un frein à cette pratique de la consommation du pigeon, nullement ancrée dans la halakha, et à laquelle certains fidèles attachaient une importance démesurée. D’autant plus que les vendeurs de pigeons se permettaient d’augmenter démesurément les prix et que les gens démunis se laissaient souvent tenter de payer une somme exorbitante, bien au dessus de leurs moyens.

            Quelle est la source de cette célébration ? Il n’y a là-dessus pas de certitude, mais plusieurs hypothèses :

a)      En souvenir du repas auquel participèrent dans le désert Yitro (Jéthro) et les bené Yisraël après la sortie d’Egypte, comme le dit le verset (Chémot 18,12) :

« Jéthro, beau-père de Moché, offrit un holocauste et d’autres sacrifices à Hachem ; et Aharon et tous les Anciens d’Israël vinrent partager le repas du beau-père de Moché, devant Hachem.

b)      D’après une tradition orale célèbre, il s’agit de commémorer le souvenir d’une épidémie qui porta particulièrement atteinte aux jeunes garçons et qui prit fin pendant la semaine de la paracha Yitro. D’ailleurs, dans le livre Toledot ‘Hakhmé Tounis (p.260), le rav Yossef Cohen-Tanoudji énumère les différentes épidémie qui touchèrent Tunis, et notamment celle de 1785 qui eut pour effroyable particularité de frapper aussi les enfants, tandis que les épidémies précédentes n’avaient touché que les adultes. Serait-ce elle qui est à l’origine de la Sé’houdat Yitro ?

c)      En l’honneur des jeunes élèves du Kouttab qui vont pour la première fois écouter la lecture des dix Commandements dans la parachat Yitro.

d)     Le rav Moché Khalfon Hacohen2 propose une autre explication, elle aussi liée  à la lecture des dix Commandements : « Cette parachat Yitro relate le dévoilement de la lumière divine sur le mont Sinaï et la transmission des dix Commandements, dans lesquels sont contenues les six cent treize miçvot3 . Nous faisons donc cette sé’houda pour manifester notre joie d’avoir reçu la Tora au mont Sinaï. »

 

3.   Cette célébration ne se limite pas au seul repas décrit ci-dessus.  Les imprimeries juives éditaient pour l’occasion un feuillet nommé ouarkat Yitro  (la feuille de Yitro), contenant un certain nombre de textes que les jeunes enfants se devaient de savoir : les différentes bénédictions sur les aliments, les birkhot hatora, les dix Commandements eux-mêmes, le birkat hamazone des enfants et le kériat Chéma’  avant le coucher des enfants, (ces deux derniers textes sont reproduits en hébreux dans ‘Alé Hadas p. 423 ).

 

1 Le minhag de Gabès est différent : puisque Sé’houdat Yitro se prend le jeudi soir, c’est l’office du vendredi matin qui sera exempté de ta’hanoun ( rebbi Avraham Mimoun).

2 Berit Kéhouna p.129.

3 Rav Sa’adia Gaon a longuement démontré que les six cent treize miçvot étaient incluses de manière allusives dans le texte des dix Commandements.